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Page:Vigny - Stello ou Les diables bleus, 1832.djvu/215

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un vieil usage des soldats, comme vous le savez mieux que moi. Je ne pus m’empêcher de perdre encore trois minutes à considérer cet original. — Je lui pris le bras : il se dérangea peu et me l’abandonna avec complaisance et une satisfaction secrète. Il se regardait le bras avec douceur et vanité.

« Eh ! mon garçon, m’écriai-je, ton bras est un almanach de la cour et un calendrier républicain. »

Il se frotta le menton avec un rire de finesse : c’était son geste favori, et il cracha loin de lui, en mettant sa main devant sa bouche par politesse. Cela remplaçait chez lui tous les discours inutiles : c’était son signe de consentement ou d’embarras, de réflexion ou de détresse, manie de corps de garde, tic de régiment. Je contemplai sans opposition ce bras héroïque et sentimental. — La dernière inscription qu’il y avait faite était un bonnet phrygien placé sur un cœur et autour : Indivisibilité ou la mort.

« Je vois bien, lui dis-je, que tu n’es pas fédéraliste comme les Girondins. »