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Page:Vigny - Stello ou Les diables bleus, 1832.djvu/223

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assis sur des bancs de chêne, aiguisaient leurs piques dans le ruisseau, jouaient à la drogue, chantaient La Carmagnole, et ôtaient la lanterne d’un réverbère pour la remplacer par un homme qu’on voyait amené du haut du faubourg par des poissardes qui hurlaient le Ça ira !

On me connaissait, on avait besoin de moi, j’entrai. Je frappai à une porte épaisse, placée à droite sous la voûte. La porte s’ouvrit à moitié, comme d’elle-même, et comme j’hésitais, attendant qu’elle s’ouvrît tout à fait, la voix du geôlier me cria : « Allons donc ! entrez donc ! » Et dès que j’eus mis le pied dans l’intérieur, je sentis le froissement de la porte sur mes talons, et je l’entendis se refermer violemment, comme pour toujours, de tout le poids de ses ais massifs, de ses clous épais, de ses garnitures de fer et de ses verrous.

Le geôlier riait dans les trois dents qui lui restaient. Ce vieux coquin était accroupi dans un grand fauteuil de cuir noir, de ceux qu’on nomme à crémaillère, parce qu’ils ont de chaque côté des crans de fer qui soutiennent le dossier et mesurent sa courbe lorsqu’il se renverse pour servir