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Page:Vigny - Stello ou Les diables bleus, 1832.djvu/226

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si vous alliez visiter Saint-Lazare, vous verriez une belle infirmerie, des cellules neuves et bien rangées, des murs blanchis, des carreaux lavés, de la lumière, de l’air, de l’ordre partout. Les geôliers, les guichetiers, les porte-clefs d’aujourd’hui se nomment directeurs, conducteurs, correcteurs, surveillants, portent uniforme bleu à boutons d’argent, parlent d’une voix douce, et ne connaissent que par ouï-dire leurs anciens noms, qu’ils trouvent ridicules.

Mais en 1794, cette noire Maison Lazare ressemblait à une grande cage d’animaux féroces. Il n’existait là que le vieux bâtiment gris qu’on y voit encore, bloc énorme et carré. Quatre étages de prisonniers gémissaient et hurlaient l’un sur l’autre. Au-dehors, on voyait aux fenêtres des grilles, des barreaux énormes, formant en largeur des anneaux, en hauteur des piques de fer, et entrelaçant de si près la lance et la chaîne, que l’air y pouvait à peine pénétrer. Au-dedans, trois larges corridors mal éclairés divisaient chaque étage, coupés eux-mêmes par quarante portes de loges dignes d’enfermer des loups, et souvent pénétrées d’une odeur de tanière ; de lourdes grilles de fer massives