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Page:Vigny - Stello ou Les diables bleus, 1832.djvu/228

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tout au fond, un Christ blanc sur une croix rouge, rouge d’un rouge de sang. Deux femmes étaient au pied de ce grand Christ, l’une très jeune et l’autre très âgée. La plus jeune priait à deux genoux, à deux mains, la tête baissée et fondant en larmes ; elle ressemblait tant à la belle princesse de Lamballe que je détournai la tête. Ce souvenir m’était odieux.

La plus âgée arrosait deux vignes qui poussaient lentement au pied de la croix. Les vignes y sont encore. Que de gouttes et de larmes ont arrosé leurs grappes, rouges et blanches comme le sang et les pleurs !

Un guichetier lavait son linge, en chantant, dans la fontaine du milieu. J’entrai dans les corridors, et à la douzième loge du rez-de-chaussée je m’arrêtai. Un porte-clefs vint, me toisa, me reconnut, mis sa patte grossière sur la main plus élégante du verrou, et l’ouvrit. — J’étais chez madame la duchesse de Saint-Aignan.