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Page:Vigny - Stello ou Les diables bleus, 1832.djvu/266

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au milieu de la foule qui parlait, marchait et bruissait doucement. On s’éloigna de nous peu à peu, et je remarquai que mademoiselle de Coigny nous évitait. Nous étions assis tous trois sur le banc de bois de chêne, tournant le dos à la table et nous y appuyant. Madame de Saint-Aignan, entre nous deux, se reculait comme pour nous laisser causer, parce qu’elle ne voulait pas parler la première. André de Chénier, qui ne voulait pas non plus lui parler de choses indifférentes, s’avança vers moi, par-devant elle. Je vis que je lui rendrais service en prenant la parole.

« N’est-ce pas un adoucissement à la prison que cette réunion au réfectoire ?

— Cela réjouit, comme vous voyez, tous les prisonniers excepté moi, dit-il avec tristesse ; je m’en défie, j’y sens quelque chose de funeste, cela ressemble au repas libre des martyrs. »

Je baissai la tête. J’étais de son avis et ne voulais pas le dire.

« Allons, ne m’effrayez pas, lui dit madame de