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Page:Vigny - Stello ou Les diables bleus, 1832.djvu/280

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suivis d’une nouvelle troupe de bandits à bonnets rouges, armés de longues piques. Ils se ruèrent en avant avec des cris de joie, en battant des mains, comme pour l’ouverture d’un grand spectacle. Ce qu’ils virent les arrêta tout court, et les égorgés déconcertèrent encore les égorgeurs par leur contenance ; car leur surprise ne dura qu’un instant, et l’excès du mépris leur vint donner à tous une force nouvelle. Ils se sentirent tellement au-dessus de leurs ennemis qu’ils en eurent presque de la joie, et tous leurs regards se portaient avec fermeté et curiosité même sur celui des commissaires qui s’approcha, un papier à la main, pour faire une lecture. C’était un appel nominal. Dès qu’un nom était prononcé, deux hommes s’avançaient et enlevaient de sa place le prisonnier désigné. Il était remis aux gendarmes à cheval au-dehors, et on le chargeait sur un des chariots. L’accusation était d’avoir conspiré dans la prison contre le peuple et d’avoir projeté l’assassinat des représentants et du Comité de salut public. La première personne accusée fut une femme de quatre-vingts ans, l’abbesse de Montmartre, madame de Montmorency : elle se leva avec