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Page:Vigny - Stello ou Les diables bleus, 1832.djvu/281

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peine et, quand elle fut debout, salua avec un sourire paisible tous les convives. Les plus proches lui baisèrent la main. Personne ne pleura, car à cette époque la vue du sang rendait les yeux secs. — Elle sortit en disant : « Mon Dieu, pardonnez-leur, car ils ne savent ce qu’ils font. » Un morne silence régnait dans la salle.

On entendit au-dehors des huées féroces qui annoncèrent qu’elle paraissait devant la foule, et des pierres vinrent frapper les fenêtres et les murs, lancées sans doute contre la première prisonnière. Au milieu de ce bruit, je distinguai même l’explosion d’une arme à feu. Quelquefois la gendarmerie était obligée de résister pour conserver aux prisonniers vingt-quatre heures de vie.

L’appel continua. Le deuxième nom fut celui d’un jeune homme de vingt-trois ans, M. de Coatarel, autant que je puis me souvenir de son nom, lequel était accusé d’avoir un fils émigré qui portait les armes contre la patrie. L’accusé n’était même pas marié. Il éclata de rire à cette lecture, serra la main à ses amis et partit. — Mêmes cris au-dehors.

Même silence à la table sinistre d’où l’on arrachait les assistants