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Page:Vigny - Stello ou Les diables bleus, 1832.djvu/336

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« Citoyens, voici un voyageur de votre connaissance », dit-il.

Nous nous saluâmes tous trois, Joseph Chénier en fronçant le sourcil, Saint-Just avec un signe de tête brusque et hautain, moi gravement, comme un moine.

Saint-Just s’assit à côté de Robespierre, celui-ci sur son fauteuil de cuir, devant son bureau, nous en face. Il y eut un long silence. Je regardais les trois personnages tour à tour. Chénier se renversait et se balançait avec un air de fierté, mais un peu d’embarras, sur sa chaise, comme rêvant à mille choses étrangères. Saint-Just, l’air parfaitement calme, penchait sur l’épaule sa belle tête mélancolique, régulière et douce, chargée de cheveux châtains flottants et bouclés ; ses grands yeux s’élevaient au ciel, et il soupirait. Il avait l’air d’un jeune saint. — Les persécuteurs prennent souvent des manières de victimes. Robespierre nous regardait comme un chat ferait de trois souris qu’il a prises.

« Voilà, dit Robespierre d’un air de fête, notre ami Saint-Just qui revint de l’armée. Il y a écrasé la trahison, il en fera autant ici.