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Page:Vigny - Stello ou Les diables bleus, 1832.djvu/369

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inconnues. J’y distinguai de pauvres paysannes, mais non les femmes que je craignais d’y voir. Les hommes, je les avais vus à Saint-Lazare. André causait en regardant le soleil couchant. Mon âme s’unit à la sienne, et tandis que mon œil suivait de loin le mouvement de ses lèvres, ma bouche disait tout haut ses derniers vers :

Comme un dernier rayon, comme un dernier zéphire

Anime la fin d’un beau jour,

Au pied de l’échafaud j’essaie encor ma lyre.

Peut-être est-ce bientôt mon tour.

Tout à coup un mouvement violent qu’il fit me força de quitter ma lunette et de regarder toute la place, où je n’entendais plus de cris.

Le mouvement de la multitude était devenu rétrograde tout à coup.

Les quais, si remplis, si encombrés, se vidaient. Les masses se coupaient en groupes, les groupes en familles, les familles en individus. Aux extrémités de la place, on courait pour s’enfuir, dans une grande poussière. Les femmes couvraient leurs têtes et leurs enfants de leurs robes. La colère était éteinte… Il pleuvait.

Qui connaît Paris comprendra ceci. Moi, je