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Page:Vigny - Stello ou Les diables bleus, 1832.djvu/380

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lui demandait avec anxiété qui avait gagné la partie où il était joué lui-même.

Tout à coup on apprend avec la fin du jour et de la séance, on apprend qu’un cri étrange, inattendu, imprévu, inouï, a été jeté : A bas le tyran ! et que Robespierre est en prison. La guerre commence aussitôt. Chacun court à son poste. Les tambours roulent, les armes brillent, les cris s’élèvent. — L’Hôtel de Ville gémit avec son tocsin, et semble appeler son maître. — Les Tuileries se hérissent de fer, Robespierre reconquis règne en son palais, l’Assemblée dans le sien. Toute la nuit la Commune et la Convention appellent à leur secours, et mutuellement s’excommunient.

Le peuple était flottant entre ces deux puissances. Les citoyens erraient par les rues, s’appelant, s’interrogeant, se trompant et craignant de se perdre eux-mêmes et la Nation ; beaucoup demeuraient en place, et frappant le pavé de la crosse de leurs fusils, s’y appuyaient le menton en attendant le jour et la vérité.

Il était minuit. J’étais sur la place du Carrousel lorsque dix pièces de canon y arrivèrent. A la lueur des mèches allumées et de quelques torches, je vis que les officiers plaçaient leurs pièces