Aller au contenu

Page:Vigny - Stello ou Les diables bleus, 1832.djvu/413

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

qu’Homère ne puisse pas lui dire du haut de son trône :

Mon cher Platon, il est vrai que le pauvre Homère et, comme lui, tous les infortunés immortels qui l’entourent, ne sont rien que des imitateurs de la Nature ; il est vrai qu’ils ne sont pas tourneurs parce qu’ils font la description d’un lit, ni médecins parce qu’ils racontent une guérison ; il est vrai que par une couche de mots et d’expressions figurées, soutenues de mesure, de nombre et d’harmonie, ils simulent la science qu’ils décrivent ; il est bien vrai qu’ils ne font ainsi que présenter aux yeux des mortels un miroir de la vie, et que, trompant leurs regards, ils s’adressent à la partie de l’âme qui est susceptible d’illusion ; mais, ô divin Platon ! votre faiblesse est grande, lorsque vous croyez la plus faible cette partie de notre âme qui s’émeut et qui s’élève, pour lui préférer celle qui pèse et qui mesure. L’Imagination, avec ses élus, est aussi supérieure au Jugement, seul avec ses orateurs, que les dieux de l’Olympe aux demi-dieux. Le don du ciel le plus précieux, c’est le plus rare. — Or ne voyez-vous pas qu’un siècle fait naître