Aller au contenu

Page:Vigny - Stello ou Les diables bleus, 1832.djvu/414

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

trois Poètes, pour une foule de logiciens et de sophistes très sensés et très habiles ? L’Imagination contient en elle-même le Jugement et la Mémoire sans lesquels elle ne serait pas. Qui entraîne les hommes, si ce n’est l’émotion ? qui enfante l’émotion, si ce n’est l’art ? et qui enseigne l’art, si ce n’est Dieu lui-même ? Car le Poète n’a pas de maître, et toutes les sciences sont apprises, hors la sienne. — Vous me demandez quelles institutions, quelles lois, quelles doctrines j’ai données aux villes ? Aucune aux nations, mais une éternelle au monde. — Je ne suis d’aucune ville, mais de l’univers. — Vos doctrines, vos lois, vos institutions, ont été bonnes pour un âge et un peuple, et sont mortes avec eux ; tandis que les œuvres de l’Art céleste restent debout pour toujours à mesure qu’elles s’élèvent, et toutes portent les malheureux mortels à la loi impérissable de l’AMOUR et de la PITIE. »

Stello joignit les mains malgré lui, comme pour prier. Le Docteur se tut un moment, et bientôt continua ainsi :