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Page:Villemain - Discours et mélanges littéraires.djvu/69

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du pouvoir absolu ? D’autres écrits de sa main[1] attestent les vœux qu’il formait pour un ordre politique plus conforme à la dignité de l’homme. Mais en attendant la liberté des peuples, il cherchait à mettre dans le cœur du monarque les barrières qui n’étaient pas encore dans la loi.

Je ne sais si telle était la pensée de Montesquieu, de cet ardent admirateur des vertus antiques. Peut-être, les yeux attachés sur son siècle et sur la monarchie française, voyant le calme naître du pouvoir absolu, il tolérait cette manière de rendre les hommes heureux ; il consentait même à l’embellir, et lui prêtait des prestiges de grandeur, qui manquèrent trop au siècle de Louis XV. Sans doute, lorsque la cause de la liberté est enfin apportée au tribunal des rois, lorsque, pour conduire les générations éclairées, il ne reste plus que les lois, barrière et soutien du pouvoir légitime, ou la force, instrument passager qui sert à toutes les puissances, honneur aux esprits élevés qui demandent que les nations soient associées à leur gouvernement, et concourent à leur propre salut ! Quel que soit dans l’avenir le succès de ce noble effort, il faut le tenter ; car toute autre voie serait impossible ou odieuse. Mais s’il exista jadis pour un ordre politique dans lequel le pouvoir suprême, sans contre-poids et sans résistance, était modéré par l’esprit du siècle et la législation des mœurs, pourquoi les plus grands génies auraient-ils hâte la ruine de ce système, qui n’était point pénible pour l’orgueil, tant qu’il était approuvé par l’opinion ? Ceux qui savaient alors mesurer l’étendue des changements une fois commencés ont quelquefois peut-être reculé devant leurs propres espérances.

Souvenons-nous que le dix-huitième siècle fut particulièrement pour la France l’époque la plus paisible et la

  1. Voir à la fin de l’Éloge, note C.