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Page:Villemain - Discours et mélanges littéraires.djvu/91

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même sur la durée des peuples. Ce nouveau sujet enferme de grandes questions ; le mariage, fondement de la société ; l’immoralité, destructive comme la guerre. Là se présente un des exemples les plus tristes de l’histoire : c’est l’effort impuissant de la législation contre le vice d’un mauvais gouvernement et d’une société corrompue. Malgré les lois, l’empire romain dépeuplé mourait de langueur. Singulière destinée ! la sublimité contemplative du christianisme vient accomplir l’ouvrage commencé par la corruption. La piété des empereurs abolit les lois prudentes d’Auguste ; et la race romaine, à demi détruite, achève de disparaître dans les solitudes de la Thébaïde et dans les monastères de Constantin, comme pour effacer la trace des antiques oppresseurs de la terre, comme pour marquer le triomphe du christianisme par le renouvellement des peuples et le rajeunissement du monde.

Ainsi, le législateur est conduit à examiner cette puissante et suprême influence des religions. En calculant les rapports de chaque croyance avec le génie de chaque pays, l’erreur même lui parait quelquefois plus appropriée à la nature de l’homme ; mais également convaincu que la vérité ne peut se montrer sans être bienfaisante, il nous fait voir la religion chrétienne qui, malgré la grandeur de l’empire et le vice du climat, empêche le despotisme de s’établir en Éthiopie, et porté au milieu de l’Afrique les mœurs de l’Europe et ses lois. Cette religion que, dans la vivacité de sa jeunesse et dans la politique légère de son premier ouvrage, il avait trop peu respectée, partout dans l’Esprit des Lois il la célèbre et la révère. C’est que maintenant il veut construire l’édifice social, et qu’il a besoin d’une colonne pour le soutenir. Sa pensée s’est agrandie comme sa tâche ; s’il combat les sophismes d’un incrédule fameux, la calomnie qu’il re-