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Page:Villemain - Discours et mélanges littéraires.djvu/94

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jusqu’à ses profondes racines, qui étaient liées à tous les États de l’Europe ; racines longtemps fortes et vivaces, lors même que le fer avait abattu ce vaste ombrage et qu’il ne restait plus qu’un arbre mort et dépouillé. Dans les souvenirs innombrables de ces antiquités nationales, on retrouve l’origine et les révolutions de tout ce qui a péri sans retour, et le premier germe des institutions nouvelles qui régissent et sauveront la France. Ce vaste tableau présente partout les rois défenseurs du peuple, fortifiés chaque jour par sa reconnaissance, à mesure qu’ils le délivraient, et substituant enfin l’unité bienfaisante de leur pouvoir à la multitude des tyrannies féodales. Montesquieu a cru devoir à sa patrie d’entrer dans ce labyrinthe de nos mœurs antiques ; l’admirateur des lois romaines ne pouvait approfondir qu’avec répugnance tant de coutumes confuses et barbares ; mais de cet abîme était sortie la France.

Tel est cet immense ouvrage dans lequel Montesquieu a embrassé le monde, en s’occupant surtout de la France, dans lequel il a renfermé les maximes le plus hardies, sans avoir voulu détruire aucune maxime établie ; car les changements achetés par la destruction ne sont pas un titre à la reconnaissance des hommes. Nous n’avons rien à répondre à ceux qui lui reprochent d’avoir séparé la monarchie du pouvoir absolu. Oui, sans doute, dans cette division célèbre, Montesquieu ménageait une place pour la France ; et je lui en rendrai grâces. Je ne croirai pas que l’antique France se soit formée sous le despotisme afin de conserver le droit de le haïr. Oui, sans doute, en faisant de l’honneur le principe de la monarchie, Montesquieu a désigné la France. Notre patrie a pu changer ses lois. Ce qu’un tel changement a produit de juste et de salutaire appartient à Montesquieu ; car ce grand homme, dans l’apologie même du système ancien, cherchait à consacrer la liberté légale