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Page:Villemain - Discours et mélanges littéraires.djvu/95

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qui doit animer le système nouveau : quand il célébrait les corps intermédiaires de la monarchie, ce n’étaient pas des priviléges qu’il voulait défendre ; il réclamait des barrières. Ces barrières lui paraissaient si désirables, qu’il les acceptait même sous les formes le plus odieuses, et qu’il remerciait l’inquisition en faveur de la résistance qu’elle opposait au despotisme : mais l’esprit de son ouvrage invoque et promet pour l’avenir des sauvegardes plus légitimes[1]. En répandant les idées d’humanité, de tolérance et de modération dans les peines, il a disposé les peuples à recevoir des gouvernements limités par les lois et l’intérêt public.

Dans la variété de son ouvrage, Montesquieu avait séparé les peuples anciens des peuples modernes, en marquant ces différences insurmontables qui devaient prévenir pour nous l’imitation insensée des républiques anciennes ; mais par les rapports qu’il reconnaissait entre les peuples modernes, par cet esprit de commerce et d’industrie qu’il donnait pour attribut à l’Europe, il avait préparé le système représentatif[2], système qui ne devait trouver d’obstacle que dans la tyrannie militaire, et qui triomphera, si la civilisation ne périt pas.

Montesquieu avait aperçu le premier, peut-être, une grande vérité.

« La plupart des peuples de l’Europe sont encore gouvernés par les mœurs, mais si par un long abus de pouvoir, si, par une grande conquête, le despotisme s’établissait à un certain point, il n’y aurait pas de mœurs ni de climats qui tinssent ; et dans cette belle partie du monde, la nature humaine souffrirait, au moins pour un temps, les insultes qu’on lui fait dans les trois autres. »

  1. Voir à la fin de l’Éloge, note F.
  2. Voir à la fin de l’Éloge, note G.