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Page:Villemain - Essais sur le génie de Pindare, 1859.djvu/103

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ET SUR LA POÉSIE LYRIQUE.

officiels de Paros, sa patrie, Archiloque fut un témoin immortel de la corruption précoce, comme de l’éclat du génie grec. « La rage, dit Horace, l’arma de l’ïambe qu’il avait forgé. » Sa fureur de calomnie donnait la mort ; et la poésie ancienne est remplie d’allusions au suicide de Lycambe et de sa fille, qui avaient osé le refuser pour gendre et pour époux. Quoi qu’il en soit, de son vivant et après lui, sa renommée fut grande parmi les Grecs, sans être mêlée d’obscurités et de fables, comme celle des Thamyris, des Olèn, des Orphée, des Linus, de ces chantres des anciens mystères, à qui la crédulité des initiés devait prêter si volontiers le génie dont manquaient leurs vers.

D’Archiloque, au contraire, tout est historique et vrai, jusqu’à l’impudence de sa vie. Il donna par sa verve et par ses vices, par la pureté de son art et la licence de son génie le premier exemple de ce que serait un jour la comédie d’Aristophane, dans la démocratie d’Athènes.

Une seule tradition merveilleuse mêlée à son souvenir témoigne bien de l’idolâtrie des Grecs pour les dons de l’esprit, au préjudice de tout intérêt de justice ou même de vengeance. Cet homme haï de ses concitoyens, mais admiré, ayant péri dans un combat par la main de Callondas, surnommé le Corbeau, lorsque celui-ci voulut faire une offrande à Delphes, la Pythie le rejeta comme un sacrilége qui avait tué le serviteur des Muses et le sien. Le coupable, à force de prières et d’excuses, obtint cependant une seconde