Aller au contenu

Page:Villemain - Essais sur le génie de Pindare, 1859.djvu/167

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
159
ET SUR LA POÉSIE LYRIQUE.

termes, il promettait que l’homme deviendrait dieu après la mort. Le pieux orgueil d’un tel espoir s’entretenait, chez le philosophe, par l’idée d’une vie conforme à l’origine de l’âme et qui la conservât pure au milieu des contagions de la terre. Ainsi peut s’expliquer le langage inspiré, l’enthousiasme d’Empédocle parlant de lui-même et invoquant la foi docile de ses concitoyens. Parfois il se montre à eux comme un banni du ciel, obligé de regagner par ses épreuves ici-bas le séjour divin qu’il a perdu, et leur frayant lui-même la route qu’il leur conseille.

« C’est une loi de la nécessité[1], un antique décret des Dieux. Si par égarement quelque génie a souillé de sang sa substance, parmi ceux-là même qui ont en partage la vie céleste, il est, pendant trois mille saisons, banni loin des bienheureux. C’est ainsi que moi-même aujourd’hui je suis transfuge du ciel et voyageur errant. »

Cette fiction cependant et bien des vers çà et là conservés par Aristote, sur la puissance des éléments et les passions allégoriques dont Empédocle anime la matière, ne nous permettraient pas de le ranger parmi ceux qu’on a nommés ingénieusement les prophètes de la science.

Ce n’est pas là, nous dirait-on, l’enthousiasme d’une intuition divinatrice : ce sera, si vous voulez,

  1. Emped. agrig., ed. Sturz., p. 513.