Aller au contenu

Page:Villemain - Essais sur le génie de Pindare, 1859.djvu/294

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
286
ESSAIS SUR LE GÉNIE DE PINDARE

fait paraître naïve, mais dont l’art savant égale au moins la passion.

Théocrite était un Grec d’Europe ; il le rappelle dans une inscription, où il se distingue lui-même d’un autre poëte du même nom. « Il y a, dit-il[1], un autre Théocrite, de l’île de Chio. Moi, Théocrite, qui écrivis ces vers, je suis du peuple de Syracuse, fils de Proxagoras et de l’illustre Philine ; et je n’ai jamais détourné vers moi la gloire d’une muse étrangère. »

Né sous le règne de Hiéron jeune, au temps du déclin de la Grèce, devant la fortune croissante de Rome, il trouvait dans Syracuse de grands souvenirs des lettres, l’hospitalité donnée à Pindare, à Platon, la comédie d’Épicharme ; et il se sentit de bonne heure sans doute appelé à renouveler, sous une autre forme, cette gloire poétique. Mais la protection lui manqua, comme la liberté, sous le long règne de Hiéron II ; et il tourna son espérance vers cette cour nouvelle d’Alexandrie, qui de toutes parts recueillait les savants et les livres. Chose remarquable même ! ce restaurateur de la naïveté homérique, ce peintre des champs et de la vie pastorale fut d’abord un poëte de cour. C’était un sujet étrange pour la poésie que l’apothéose d’un roi mari de sa sœur et fratricide. Rien peut-être ne montrera mieux l’illusion que peut faire le talent, et ce langage trompeur qui se compose d’un grand souvenir de gloire,

  1. Theocr. Epigr. xii.