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Page:Villemain - Essais sur le génie de Pindare, 1859.djvu/357

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ET SUR LA POÉSIE LYRIQUE.

d’autrui, et son art d’épuiser tous les avantages de la proscription et de la violence avant de revenir à quelque ombre de justice et d’humanité, rien de tout cela sans doute n’était fait pour attirer sur son nom le respect et l’amour.

On avait pu sentir l’effroi devant Octave. On le conçoit même : sous la dépravation d’un culte qui plaçait dans les cieux les forfaits et les vices, la foule pouvait être tentée de voir un dieu dans un si méchant homme. Mais ce qui doit étonner la raison, c’est que des hommes nourris aux grandes traditions de la Grèce, de pénétrants et gracieux génies aient été les chantres de cette apothéose, aient consacré par leurs louanges ce que flétrissaient leurs maximes.

Alexandre, mêlant à une véritable grandeur d’âme et à des actions incomparables quelques accès de fureur, avait vu autour de lui le silence, même sur sa gloire ; et son règne, marqué par autant de fondations que de conquêtes, n’avait pas su produire un grand poëte, un grand historien. Octave, cruel sans passion, souillé de crimes et de perfidies dans la jeunesse, sans grandeur dans la victoire et portant même dans la politique moins de génie que d’astuce, fut célébré par les plus rares esprits de son temps et transformé par leurs louanges, au point d’avoir ébloui et en partie trompé le jugement de l’avenir. Il est certain que, grâce à cette illusion de la poésie. Octave Cépias déguisé en Auguste n’a plus été pour la postérité le