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Page:Villemain - Essais sur le génie de Pindare, 1859.djvu/413

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ET SUR LA POÉSIE LYRIQUE.

deurs de sa métropole, soit cette solitude profonde et sans retour où il ensevelit ses dernières années.

Comme les poëtes lyriques de l’antiquité profane, l’évêque persécuté ou même le solitaire aura donc des vers accusateurs contre ses envieux, de touchants appels à ses anciens amis, et parfois même des cris de colère et d’anathème, des ïambes de pieuse indignation.

Choisissons de préférence les regrets qu’il adresse à son Église d’Anastasie, non dans le mécompte d’une grandeur déchue, mais dans la longue douleur d’une affection trompée :

« Je te désire[1], disait-il, peuple bien-aimé ! je te désire ; je ne le nierai pas, toi la génération de mes paroles, peuple de ma chère Anastasie, qui ressuscitas sous un enseignement nouveau la foi jadis éteinte par des instructions meurtrières ! toi du milieu de qui ma parole jaillissait comme une étincelle illuminant toutes les Églises, quel est aujourd’hui le possesseur de ta beauté et de mon trône ? comment suis-je isolé, sans enfants, lorsque mes enfants vivent encore ? Ô Dieu de paix, gloire à toi, quand même j’aurais pis à souffrir ! Peut-être punis-tu ma franchise téméraire. Mais quelle voix maintenant te proclamera sans crainte, ô Trinité ! »

Et dans d’autres vers, animés de l’amertume et des

  1. S. Gregor. Nazianz. Oper. t. II, p. 668.