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Page:Villemain - Essais sur le génie de Pindare, 1859.djvu/435

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ET SUR LA POÉSIE LYRIQUE.

à moi de cœur, mon épouse toujours avouée, ne sachant pas avoir avec moi de furtives amours ! Qu’elle suive de préférence la loi d’un saint hymen, inviolable et pur, inaccessible à tout criminel désir ! Et pour moi, mon âme dégagée des terrestres entraves, délivre-la des maux et des malédictions de la vie, et donne-lui d’élever, parmi les chœurs des saints, ces hymnes à la gloire de ton Père et à ta puissance, ô bienheureux ! De nouveau je chanterai pour toi ; je monterai ma lyre sur tous les tons de l’harmonie. »

Synésius, quoiqu’il ait certainement péri par la contagion ou le fer, à la tête de son troupeau, dans la ruine de Ptolémaïs, n’a pas reçu l’apothéose chrétienne. Son exemption du célibat, ses souvenirs de la philosophie, son amour de la poésie, devaient lui faire, dans la sévérité de l’orthodoxie croissante avec la victoire du christianisme, une place à part et douteuse. Bien qu’il n’ait été frappé d’aucun blâme, d’aucune censure, comme Tertullien, Origène et tant d’autres, il ne resta point, comme eux, une autorité célèbre et citée souvent. Il appartient à l’art, en quelque sorte, plus qu’à la religion ; et cependant cet art, qu’il aimait, et auquel les épreuves et les émotions de sa vie le ramenaient sans cesse, ne nous a laissé que des chants religieux ; ni les maux de sa patrie ni ses douleurs privées ne se retrouvent dans ses vers. C’est toujours un platonicien, qui ne chante plus que le Christ.