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Page:Villemain - Essais sur le génie de Pindare, 1859.djvu/462

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ESSAIS SUR LE GÉNIE DE PINDARE

ces premiers chanteurs d’amour qui éveillèrent l’imagination en Italie. Lors même que Dante les imitera et prendra, comme eux, les couleurs de sa Dame, on sentira que c’est une autre voix ; et le titre de son premier écrit célèbre, Vita nuova, n’est pas moins le signe d’un art nouveau que la révélation d’une âme transformée par l’amour.

Ainsi liée aux formes musicales des troubadours, mais animée d’une passion bien autrement mélancolique et sévère, la première poésie du Dante sera toute lyrique. Elle le sera sur des tons variés, parfois simple et naïve, parfois grave et passionnée, gracieuse comme Anacréon, philosophique comme Horace.

Ce terrible Dante, cet implacable vengeur, dont le visage altier et la sombre tristesse semblent, aux yeux du peuple, marquer son mystérieux commerce avec l’enfer, l’auriez-vous pressenti jamais, dans quelques-uns des premiers vers qu’il essaya, peut-être en s’accompagnant sur la lyre de son ami, le musicien Gasella ? Quelle mélodieuse douceur, quelle tendresse et quelle innocence dans ce premier chant prêté sans doute à Béatrix enfant : « Je suis jeune fille, belle et toute nouvelle ; et je suis descendue, pour me montrer à vous, des splendeurs du lieu d’où je viens. J’étais au ciel, et j’y dois retourner encore, pour donner à d’autres le charme de ma lumière. Qui me voit et ne se sent pas amoureux, n’aura jamais l’intelligence de l’amour. Car aucune grâce ne me fut refusée, quand