Aller au contenu

Page:Villemain - Essais sur le génie de Pindare, 1859.djvu/495

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
487
ET SUR LA POÉSIE LYRIQUE.

protéger les rivages. Il avouait d’ailleurs que, pour son compte, il redoutait moins aujourd’hui les Turcs que les dissidents religieux de Belgique. L’empereur d’Allemagne, Maximilien, persistait dans sa neutralité, jusqu’au terme de la trêve, qu’il se promettait bien d’ailleurs de renouveler avec la Porte.

Tel n’était pas sans doute l’esprit des peuples d’Espagne et d’Italie. Leur joie de la défaite des Turcs fut grande ; le Te Deum retentissait dans toutes les églises. Des voûtes de Saint-Pierre aux mosquées bénies et transformées de Grenade, une poésie pieuse et guerrière célébrait le triomphe de la Croix et réclamait la délivrance de l’Orient chrétien. Ces sentiments, parés du plus beau langage, éclataient alors dans les vers, non pas d’un poëte de cour (Philippe II n’en avait pas), mais d’un Espagnol de Séville exprimant avec enthousiasme la joie religieuse et l’orgueil national de son pays.

Une première ode toutefois, en célébrant don Juan d’Autriche, est trop savante de mythologie, trop imitée de Pindare, trop chargée du souvenir d’Encelade, de Mars et des Muses. Ce n’étaient pas les Olympiques, c’était le chant du passage de la mer Rouge qui convenait à l’art du poëte et devait l’inspirer. Aussi nous le voyons, sous cette forme, s’élever bientôt après avec le prophète, et en imiter sinon la brièveté rapide, du moins la grandeur :

« Chantons le Seigneur, qui, sur la face de la vaste