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Page:Villemain - Essais sur le génie de Pindare, 1859.djvu/526

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ESSAIS SUR LE GÉNIE DE PINDARE

n’avait, en étudiant Pindare, réussi qu’à le parodier gravement et à gâter son audace par de froides affectations. Cowley lui-même, celui qui, dans une vision en prose sur Cromwell, a rencontré quelques images dignes de Milton ou de Bossuet, n’a tiré du moule pindarique, chauffé à grand renfort de souffle, que de grossières scories ; et, pour trouver dans ce temps même d’obsession biblique un écho, et comme dit Horace, une image de la lyre thébaine, il faut chercher loin de la foule l’abri suspect et solitaire de l’aveugle Milton, et là, pieusement écouter quelques-uns des accents dont il fait la prière des anges en présence de Dieu, ou qu’il chante lui-même à l’entrée du bocage nuptial d’Éden.

En dehors de cette poésie unique et sublime comme ce qu’elle a décrit, tout était faux, subtil, emphatique et faible dans ce courant de vibrations pindariques. Dryden seul (et quel grand poëte pour l’invective et la satire !) se démêla de ce déluge de métaphores et d’hyperboles, et en sortit, une belle ode à la main, pour célébrer sainte Cécile et le pouvoir divin de la musique : et combien encore, dans cette ode, sous le jeu brillant des images et les marches précipitées du rhythme, un art trop visible dément-t-il l’inspiration, pour laisser voir un calcul de contrastes qui descend quelquefois jusqu’à la puérilité !

Ce fut bien pis après Dryden, lorsque le lyrisme ne parut plus qu’une forme de poésie affectée de droit