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Page:Villemain - Essais sur le génie de Pindare, 1859.djvu/527

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ET SUR LA POÉSIE LYRIQUE.

à l’imagination anglaise. Jamais ce goût hardi, qui, sur d’autres points, s’est également bien aidé de l’originalité native ou de la science classique, ne toucha moins heureusement que cette fois au grand domaine de l’antiquité, soit que l’élégant Congrève, en invoquant l’immortelle Muse, fille de Mémoire, célèbre en strophes prétendues pindariques la reine Anne et la sagesse du grand trésorier Godolphin, soit que le mélancolique Young, par une autre imitation doublement pindarique, compare aux courses d’Olympie les promenades en calèche de ce même lord Godolphin, et le remercie pompeusement d’avoir fait couler dans le domaine aride de la poésie les flots d’or de la munificence royale.

Il n’était pas besoin de ce prosaïsme d’une reconnaissance solliciteuse pour que l’assimilation des promenades du noble lord aux courses de Pise parût bien étrange. Mais le nom de l’auteur des Nuits, inscrit au bas de ces fades louanges, en accroît encore le ridicule.

Disons cependant que cette imitation si aventureuse du poëte thébain s’est parfois rencontrée, chez Young, avec un sentiment vrai et un sujet inspirateur : témoin l’ode sur l’Océan, où respire l’orgueil de l’Angleterre et la prophétie de sa grandeur. Là le génie de Young a retrouvé cette voix de la patrie, ces cris de cœur d’une nation belliqueuse qui avaient retenti jusque dans les accents du courtisan Waller, et inspiré de