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Page:Villemain - Essais sur le génie de Pindare, 1859.djvu/530

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ESSAIS SUR LE GÉNIE DE PINDARE

loin du parlement, loin du monde, dans la modeste chambre d’un collége, où il semblait perpétuer la vie laborieuse d’étudiant, et d’où il s’échappait quelques mois, chaque année, pour voyager dans son pays, en étudier les beautés naturelles, les vieux monuments, et renouveler en soi la religion de la patrie comme celle de la science.

Est-il besoin de dire ce qu’une telle vie, dans le siècle des grandes prétentions et des petites choses, dut nourrir de feu poétique et de verve originale au cœur du poëte anglais ? Il ne fut qu’un contemplateur studieux ; il n’entretint jamais le beau monde de ses pensées ou de ses passions intimes, dans un temps où le génie faisait volontiers de ses petits secrets personnels des événements publics. Il aima et soigna tendrement sa mère et deux sœurs de sa mère, et passa près de trente années dans une chambre des bâtiments de l’université de Cambridge, d’abord à Peter-House, puis dans un autre collége de la même corporation. Voilà, sauf ses souvenirs de voyage, tous les incidents de sa vie. Nommé tard, et sans l’avoir demandé, professeur à la chaire de langues et d’histoire modernes fondée depuis 1723 à Cambridge, il ne fit pas même une première leçon, tout occupé qu’il était d’immenses études préparatoires, et retenu par cet embarras toujours croissant d’un début tardif.

Il n’en demeure pas moins un des rares talents, une des âmes poétiques du dix-huitième siècle. Il n’aura