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Page:Villemain - Essais sur le génie de Pindare, 1859.djvu/555

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ET SUR LA POÉSIE LYRIQUE.

d’un inexpiable esprit de vengeance l’innocente liberté du montagnard des Alpes, ô France qui te moques du ciel, adultère, aveugle, et patriote seulement pour détruire, sont-ce là tes triomphes, athlète de l’espèce humaine ? Est-ce de te mêler aux rois dans l’abjecte convoitise du pouvoir, d’aboyer à la même chasse et de partager la proie, de profaner le sanctuaire de la liberté en y recelant les dépouilles arrachées à des hommes libres, et ces hommes, de les tenter, puis de les trahir ?

Les esprits sensuels et ténébreux se soulèvent en vain, asservis qu’ils sont par leur propre poids. Ils brisent leurs menottes ; et ils portent bientôt le nom de liberté gravé sur une chaîne plus lourde. Ô liberté ! je t’ai poursuivie d’un stérile effort pendant bien des heures inquiètes. Mais ce n’est pas toi qui enfles la voix du vainqueur ; tu n’inspires pas ton âme aux représentants de la puissance humaine. La multitude même, bien qu’elle te loue, ne te relient ni par prière, ni par fastueux hommage.

Également éloignée des avides favoris d’un artificieux sacerdoce et des esclaves plus pervers encore du blasphème anarchique, tu fuis sur tes ailes rapides, devançant la course des vents au désert, et rivale des flots. C’est là que je t’ai sentie, moi, sur la pointe de cette haute falaise, dont les pins, battus à leurs sommets par la brise, forment un seul murmure avec les vagues lointaines. Oui, pendant que debout

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