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Page:Villemain - Essais sur le génie de Pindare, 1859.djvu/563

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ET SUR LA POÉSIE LYRIQUE.

pas béni les noisetiers de la terre natale, sa clairière d’aubépine, et soupiré la prière, tant de fois inutile, de pouvoir encore contempler les chênes de ses bois ?

« Mais trêve à cette pensée. Le cri du chacal retentit comme l’écho d’une orgie sauvage ; et, à travers les arbres, le rayon là-bas pâlissant prête un faible secours à guider notre marche. Regarde cependant : à mesure que s’efface l’éclat des astres d’en haut, chaque bouquet de bois ouvre sur nous des milliers de regards, en face, à nos côtés, sur nos têtes ; la mouche de feu promène sa flamme d’amour, et, dans sa fuite, sa poursuite, son vol en bas, en haut, explore l’obscurité du bois, tandis que, sous un souffle plus frais, le datura, se dévoilant, ouvre son large sein d’une senteur embaumée et d’une virginale blancheur, tel qu’une perle suspendue autour des boucles de la nuit…

« Assez, assez ! Déjà le bruissement des arbres annonce une pluie, à la suite de la brise ; les flammèches d’un ciel d’été ont pris une teinte plus profonde et plus rouge : la lampe qui là-bas tremblote sur le fleuve projette de notre cabine son rayon vers nous ; et il nous faut reposer de bonne heure, pour trouver au réveil le vent salubre du matin. Oh ! mais nous devons avouer que même ici peut se trouver le bonheur, et que celui qui est le maître bienfaisant nous a donné sa paix sur la terre, et son espérance pour le ciel. »

Le pieux ministre, qui, même dans les effusions de sa tendresse domestique, avait toujours la sévère dou-