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Page:Villemain - Essais sur le génie de Pindare, 1859.djvu/583

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ET SUR LA POÉSIE LYRIQUE.

jeux et les bruits de ses petits enfants ! La rigueur du sort a passé depuis sur cette famille, réduite de nombre, errante, exilée ; mais de quelle brillante auréole l’entourait et devait la protéger le génie du poëte, alors qu’il disait :

Oh ! que j’aime bien mieux ma joie et mon plaisir,
Et toute ma famille, avec tout mon loisir,
Que la gloire ingrate et frivole,
Dussent mes vers, troublés de ces cris familiers,
S’enfuir, comme devant un essaim d’écoliers.
Une troupe d’oiseaux s’envole !

Mais non : au milieu d’eux rien ne s’évanouit ;
L’Orientale d’or, plus riche, épanouit
Ses fleurs peintes et ciselées ;
La Ballade est plus fraîche, et, dans le ciel grondant
L’Ode ne pousse pas d’un souffle moins ardent
Le groupe des strophes ailées.

Je les vois reverdir dans leurs jeux éclatants,
Mes hymnes parfumés comme un chant de printemps.
Ô vous dont l’âme est épuisée,
Ô mes amis, l’enfance aux riantes couleurs
Donne la poésie à nos vers, comme aux fleurs
L’aurore donne la rosée !

Venez, enfants. À vous jardins, cours, escaliers ;
Ébranlez et planchers, et plafonds, et piliers.
Que le jour s’achève ou renaisse,
Courez en bourdonnant, comme l’abeille aux champs :
Ma joie et mon bonheur, et mon âme, et mes chants.
Iront où vous irez, jeunesse !

La douce magie de ces vers s’accroît par le contraste avec la destinée même de l’auteur. Mais que d’autres beautés grandes et fortes naissaient de sa puissance d’impressions ! Ce n’est pas en vain qu’il ramène tou-