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Page:Villemain - Essais sur le génie de Pindare, 1859.djvu/584

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ESSAIS SUR LE GÉNIE DE PINDARE

jours ses yeux vers l’astre éclalant, dont il s’est dit le Memnon. Il en est vraiment inspiré, quelquefois pour le louer, sans mesure et sans prévoyance, mais aussi pour attacher, jusque sur les pompes de son sacre carlovingien, cette inscription méritée :

Il voulut recevoir son sanglant diadème
Des mains d’où le pardon descend.

À travers ces revanches du sentiment moral, l’imagination de nos poëtes servait à l’apothéose de la force : le monde, après avoir eu le spectacle d’une prodigieuse fortune, subissait le contre-coup et partageait souvent l’illusion des talents que cette fortune avait d’abord éblouis. Le sillon de feu partait de la France, réveillait jusqu’à l’Espagne, enflammait la Grèce et brillait sur les deux Amériques. Au delà de l’Océan, dans les deux idiomes transplantés d’Espagne et d’Angleterre, on imitait avec ardeur les Méditations, les Orientales, les Messéniennes, et tel autre chant de notre court trajet de liberté politique.

Cet écho dure encore, et se renouvelle sous la parole élégante de Longfellow, comme il éclata dans quelques vers de la jeune Maria Davidson. Ne négligeons pas ce reflet de la France, et ce nouvel empire qu’elle avait obtenu. Cet ascendant parut là même où la puissance de ses armes avait échoué. Le monde sait quel fut le sort de cette grande monarchie et de cette grande race espagnole, après le seizième siècle qu’elle avait rempli