Aller au contenu

Page:Villemain - Essais sur le génie de Pindare, 1859.djvu/98

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
90
ESSAIS SUR LE GÉNIE DE PINDARE

échanger avec les dauphins leurs forêts contre les profondes vallées de la mer, et les uns préférer les flots retentissants à la terre, tandis que les autres se plairaient désormais sur la montagne. »

Ailleurs le poëte proteste, avec non moins de force, contre les mécomptes de la vie, et ne conseille pas, comme fait parfois Horace, « d’y opposer l’insouciance et le plaisir, » mais la fermeté d’âme. Il adresse ce langage à un Périclès antérieur de plus de deux siècles à celui de l’histoire[1] :

« Nul de nos citoyens, ô Périclès, ne voudra distraire par des fêtes nos gémissants regrets : la ville ne le voudra pas. De même qu’il est des hommes submergés par le flot bruyant de la mer, ainsi nous sentons notre cœur noyé sous le chagrin. Mais à des maux extrêmes, ô ami, les dieux ont donné pour remède la ferme hardiesse de l’âme. Tantôt l’un, tantôt l’autre éprouve ces maux. Aujourd’hui ils sont tombés sur nous, et nous voilà tout haletants de notre plaie sanglante ; ensuite ils passeront à

  1. Κήδεα μὲν στονόεντα, Περίκλεες, οὔτε τις ἀστῶν
    μελπόμενος θαλίῃς τέρψεται οὐδέ πόλις·
    τοίους γάρ κατὰ κῦμα πολυφλοίσβοιο θαλάσσης
    ἒκλυσεν, οἰδαλέους δ’ ἴσχομεν ἀμφ’ ὀδύνῃ
    πνεύμονας· ἀλλά θεοί γάρ ἀνηκέστοισι κακοῖσιν,
    ὦ φίλ’, ἐπί κρατερήν τλημοσύνην ἒθεσαν
    φάρμακον· ἄλλοτε δ’ ἄλλος ἒχει τόδε· νῦν μέν ἐς ἡμέας
    ἐτράπεθ’, αἱματόεν δ’ ἕλκος ἀναστένομεν !
    ἐξαῦτις δ’ ἑτέρους ἐπαμείψεται· ἀλλά τάχιστα
    τλῆτε, γυναικεῖον πένθος ἀπωσάμενοι.

    Poet. lyr. græc., ed. Bergk, p. 469.