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Page:Villemain - Essais sur le génie de Pindare, 1859.djvu/99

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ET SUR LA POÉSIE LYRIQUE.

d’autres. Rendez-vous fort au plus vite, en chassant loin de vous la plainte efféminée. »

On le voit, avec la mobilité du génie grec, cet Archiloque, banni de Sparte pour avoir plaisanté du courage, savait l’inspirer par ses vers et s’en armait contre le mépris excité par ses fautes[1] : « Ô mon âme, dit-il, battue de maux intolérables, souffre avec fermeté ; et, la poitrine jetée au-devant des ennemis, repousse-les, en restant inflexible sous leurs coups : victorieuse, ne t’enorgueillis pas ; et vaincue, ne demeure pas dans l’ombre à pleurer ; mais, dans le bonheur et dans les revers, triomphe ou afflige-toi modérément ; puis reconnais quel courant fatal entraîne les hommes. »

Le poëte capable de ces mâles et sévères accents pouvait redire les hauts faits. Aussi fut-il couronné à Olympie pour un hymne à Hercule, dont le chant demeura célèbre, bien qu’une corde accidentellement rompue à la lyre eût altéré l’harmonie du début[2] : « Ô victorieux, salut, roi Hercule, et toi, Iolas, vaillant guerrier ! »

Par là sans doute, et par cette complaisance du

  1. Θυμέ, θύμ’ ἀμηχάνοισι κήδεσιν κυκώμενε,
    ἀναδέκευ, μένων δ’ ἀλέξευ προσβαλὼν ἐναντίον
    στέρνον, ἐν δόκοισιν ἐχθρῶν πλησίον κατασταθείς
    ἀσφαλέως· καὶ μήτε νικῶν ἀμφάδην ἀγάλλεο,
    μηδὲ νικηθεὶς ἐν οἴκῳ καταπεσὼν ὀδύρεο.
    Ἀλλὰ χαρτοῖσίν τε χαῖρε καὶ κακοῖσιν ἀσχάλα
    μὴ λίην· γίνωσκε δ’ οἷος ῥυσμὸς ἀνθρώπους ἔχει.

    Poet. lyr. græc., ed. Bergk, p. 479.
  2. Ibid., p. 489.