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Page:Villiers de L’Isle-Adam - Isis, 1862.djvu/161

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Laissant croître dans son palais cette fleur de misère, celle-ci était devenue charmante. Pendant les fièvres gagnées au changement de climats et d’existence, Fabriana l’avait veillée elle-même, avec mille soins, et si la belle Xoryl n’était pas sous terre, elle le devait à sa maîtresse. On la faisait élever et instruire durant les premières années : jamais la marquise ne lui avait adressé une parole de reproche ou d’impatience : — et l’enfant se trouvait heureuse dans son esclavage tranquille ! Elle se laissait vivre sans rien aimer que Fabriana et se serait sacrifiée de bon cœur s’il l’eût fallu.

Ce n’était point son amie, ce n’était pas sa servante : c’était sa protégée. À peine avait-elle à s’occuper d’une tâche légère que la douceur de sa maîtresse lui rendait facile et aimable. N’était-ce pas un plaisir de lui être de quelque utilité ?… Prédisposée, par les traits de sa figure, aux habitudes solitaires, Xoryl était silencieuse et avait le goût de l’isolement. Elle se plaisait à rêver dans sa chambre, étendue sur le tapis, accoudée sur un coussin, et suivant du regard, à travers les longs cils noirs de ses paupières, la fumée d’un nar-