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Page:Vladimir Soloviev - La Russie et l Eglise Universelle, Stock, 1922.djvu/102

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donnent beau jeu à leurs adversaires. Il est facile à ceux-ci de prouver contre les popovtsi[1] qu’une société religieuse qui a été pendant des siècles privée de l’épiscopat et qui n’a rétabli en partie cette institution fondamentale qu’à l’aide de procédés anticanoniques ne peut pas être la continuation authentique de l’ancienne Église et la gardienne unique de la tradition orthodoxe. Il n’est pas moins facile d’établir contre les bezpopovtsi[2] que le règne de l’antéchrist ne peut avoir une durée indéfinie et que, pour être conséquents, ces dissidents devraient renier non seulement l’Église actuelle, mais aussi celle des temps anciens qui, selon leur avis, a été détruite, l’an de grâce 1666 ; car une Église contre laquelle les portes de l’enfer ont prévalu ne peut pas avoir été la vraie Église du Christ.

Comme fait historique, le rasskol avec ses milliers de martyrs manifeste — et c’est là sa grande importance — la profondeur du sentiment religieux chez le peuple russe, l’intérêt vivant que lui inspire l’idée théocratique de l’Église. S’il est très heureux d’un côté que la majorité de la population soit restée fidèle à l’Église officielle qui, malgré l’absence d’un gouvernement ecclésiastique légi-

  1. Parti modéré qui, par des moyens illégitimes, se trouve en possession d’un sacerdoce et depuis 1848 même d’un épiscopat (qui a son centre en Autriche, à Fontana Alba).
  2. Parti radical qui croit que le sacerdoce et tous les sacrements, excepté le baptême, ont complètement disparu depuis 1666.