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Page:Vladimir Soloviev - La Russie et l Eglise Universelle, Stock, 1922.djvu/106

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Les parties sont réelles, mais le tout n’est qu’une abstraction subjective. S’il n’en a pas toujours été ainsi, si l’Église dans sa totalité a été autrefois un corps vivant, ce corps est aujourd’hui en proie à la mort et à la décomposition : ce n’est que l’existence des parties séparées qui se manifeste actuellement, tandis que leur unité substantielle a disparu dans les régions du monde invisible.

Et cette idée de l’Église morte, ce n’est pas seulement une conséquence qui nous parait implicitement contenue dans les thèses de notre illustre théologien : il a pris soin de nous décrire l’Église Universelle comme il la concevait sous l’image d’un corps inanimé composé d’éléments hétérogènes et désunis. Il lui vint en effet l’inspiration d’appliquer à l’Église du Christ et aux phases de sa vie historique la vision de la grande idole racontée dans le livre de Daniel. La tête d’or de l’idole — c’est l’Église chrétienne primitive ; la poitrine et les bras d’argent — c’est « l’Église qui se fortifie et s’étend » (époque des martyrs) ; le ventre d’airain, — c’est « l’Église abondante » (triomphe du christianisme, époque des grands docteurs). Enfin l’Église actuelle — « l’Église divisée et fractionnée » est représentée par les deux pieds avec les orteils où l’argile est mêlé au fer par la main des hommes. Pour accepter sérieusement ce symbole sinistre, il faut renier l’Église de Dieu fondée pour toute la durée des siècles, l’Église une, infaillible et inébranlable.