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Page:Vladimir Soloviev - La Russie et l Eglise Universelle, Stock, 1922.djvu/126

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qualité d’Église dominante, en supprimant la liberté religieuse en Russie. « Là où il n’y a pas d’unité vivante et intérieure, dit Aksakov, l’intégrité extérieure ne peut être soutenue que par la violence et la fraude[1]. »

Le mot du patriote moscovite est cruel, mais il est juste. L’unité fragile et douteuse de notre Église ne tient qu’aux fraudes et aux violences protégées ou exercées par le gouvernement. Depuis les actes controuvés d’un concile fictif contre un hérétique imaginaire[2] jusqu’aux falsifications récentes dans la traduction des actes des conciles œcuméniques (publiée par l’Académie ecclésiastique de Kazan), toute l’action offensive et défensive de notre Église n’est qu’une série de fraudes accomplies dans la plus parfaite sécurité, grâce à la protection vigilante de la censure ecclésiastique qui prévient toute tentative de les dévoiler. Quant à la violence en matière de foi, elle est reconnue en principe et développée en détail dans notre Code pénal. Toute personne née dans l’Église dominante ou convertie

  1. Aksakov, ibid., p. 100.
  2. J’entends les actes du prétendu concile de Kiev en 1157, où l’on a mis sur le compte d’un hérétique du XIIe siècle, Martin l’Arménien (qui du reste n’a jamais existé), toutes les opinions des « vieux croyants » des XVIIe et XVIIIe siècles. Cette invention était si grossière et si invraisemblable que notre école ecclésiastique elle-même en a eu honte un moment. Mais en ce dernier temps le revirement de l’obscurantisme officiel a mis de nouveau sur le tapis l’invention de l’évêque Pitirime. (Voir l’article cité du Prav. Obozr., octobre 1887, p. 306, 307, 314.)