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Page:Vladimir Soloviev - La Russie et l Eglise Universelle, Stock, 1922.djvu/129

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le danger le plus grave, ce n’est pas que le mal ait pénétré parmi les croyants, mais c’est qu’il y ait reçu droit de cité, que cette situation de l’Église soit créée par la loi, qu’une anomalie semblable soit une conséquence nécessaire de la norme acceptée par l’État et par notre société elle-même[1].

« En général chez nous, en Russie, dans les choses de l’Église, comme dans toutes les autres, c’est l’apparence, le decorum qu’on tient surtout à garder ; et cela suffit à notre amour envers l’Église, à notre amour paresseux, à notre foi fainéante. Nous fermons volontiers les yeux et, dans notre crainte puérile du scandale, nous nous efforçons de cacher à nos propres regards et aux regards du monde entier, tout le grand mal qui, sous un voile convenable, dévore comme un cancer l’essence vitale de notre organisme religieux[2]. Nulle part ailleurs on n’a la vérité en telle horreur que dans le domaine de notre gouvernement ecclésiastique ; nulle part ailleurs la servilité n’est plus grande que dans notre hiérarchie spirituelle ; nulle part « le mensonge salutaire » n’est pratiqué sur une échelle plus large que là où tout mensonge devrait être abhorré. Nulle part ailleurs on n’admet, sous prétexte de prudence, autant de compromis qui rabaissent la dignité de l’Église et lui enlèvent son autorité.

  1. Aksakov, ibid., p. 91.
  2. Ibid., p. 91.