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Page:Vladimir Soloviev - La Russie et l Eglise Universelle, Stock, 1922.djvu/147

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sa mission universelle. D’un autre côté le raisonnement démontre, et l’histoire confirme, que la coexistence prolongée de deux pouvoirs et de deux gouvernements également indépendants et souverains, bornés à la même région territoriale, dans les limites d’un seul État national, est absolument impossible. Une telle dyarchie amène nécessairement un antagonisme qui ne peut aboutir qu’à un triomphe complet du gouvernement séculier, car c’est lui qui représente réellement la nation, tandis que l’Église, par sa nature même, n’est pas une institution nationale et n’en peut devenir une qu’en perdant sa vraie raison d’être.

On nous dit que l’Empereur de Russie est un fils de l’Église. C’est ce qu’il devrait être comme chef d’un État chrétien. Mais pour qu’il le soit effectivement il faut que l’Église exerce une autorité sur lui, qu’elle ait un pouvoir indépendant et supérieur à celui de l’État. Avec la meilleure volonté du monde le monarque séculier ne saurait être véritablement le fils d’une Église dont il est en même temps le chef et qu’il gouverne par ses employés.

L’Église en Russie, privée de tout point d’appui, de tout centre d’unité en dehors de l’État national, a fini nécessairement par être asservie au pouvoir séculier ; et ce dernier, n’ayant plus rien au-dessus de lui sur la terre, n’ayant personne de qui il aurait pu recevoir une sanction religieuse, une délégation partielle de l’autorité du Christ, a non