Aller au contenu

Page:Vladimir Soloviev - La Russie et l Eglise Universelle, Stock, 1922.djvu/190

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tive plus vaste et plus compliquée, mais toujours réelle — la cité, l’État, la nation[1]. L’amour qui doit créer l’unité religieuse du genre humain, ou l’Église Universelle, doit dépasser les limites de la nationalité et avoir pour objet la totalité des êtres humains. Mais le rapport actif entre la totalité du genre humain et l’individu n’ayant pas pour base, dans ce dernier, un sentiment naturel analogue à celui qu’inspire la famille ou la patrie, — ce rapport se réduit nécessairement (pour le sujet particulier) à l’essence purement morale de l’amour, c’est-à-dire à l’abdication libre et consciente de la propre volonté, de l’égoïsme individuel familial et national. L’amour envers la famille et l’amour envers la nation sont en premier lieu des faits naturels qui peuvent en second lieu produire des actes moraux ; l’amour envers l’Église est essentiellement un acte moral — l’acte de soumettre la volonté particulière à la volonté universelle. Mais pour que la volonté universelle ne soit pas une fiction, il faut qu’elle soit toujours réalisée dans un être déterminé. La volonté de tous n’étant pas une unité réelle, puisque tous ne se trouvent pas immédiatement d’accord entre eux, il faut un moyen pour les accorder, c’est-à-dire une volonté unique qui

  1. L’habitation dans une même contrée et l’identité du langage ne suffisent pas par elles-mêmes pour produire l’unité de la patrie ; elle est impossible sans le patriotisme, c’est-à-dire sans un amour spécifié.