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Page:Vladimir Soloviev - La Russie et l Eglise Universelle, Stock, 1922.djvu/214

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ne devait pas changer de place. Mais le pouvoir central lui-même, son caractère, son origine, sa sanction — devaient être renouvelés.

Il y avait chez les Romains eux-mêmes un pressentiment vague de cette transformation mystérieuse. Si le nom vulgaire de Rome signifiait force en grec et si un poète de l’Hellade décadente saluait les nouveaux maîtres en ce nom : χάιρε μοι Ρώμα, θυγατηρ Αρηος — les citoyens de la Ville Éternelle, en lisant son nom selon la façon sémitique, croyaient découvrir sa vraie signification : Amor ; et l’antique légende renouvelée par Virgile rattachait le peuple romain et la dynastie de César en particulier à la mère de l’Amour et par elle au Dieu suprême. Mais leur Amour était le serviteur de la mort et leur Dieu suprême était un parricide. La piété romaine, leur principal titre de gloire et le fondement de leur grandeur, était un sentiment vrai rapporté à de faux principes. C’est précisément d’un changement de principes qu’il s’agissait. Il s’agissait de révéler la vraie Rome basée sur la vraie religion. En remplaçant les triades infinies de dieux parricides par la seule Trinité divine consubstantielle et indivisible, il fallait donner pour fondement à la société universelle, au lieu d’un empire de la Force, une Église de l’Amour. Est-ce par l’effet d’un pur hasard qu’en voulant proclamer sa vraie monarchie universelle fondée, non sur la servilité des sujets et l’arbitraire d’un maître mortel, mais sur