Aller au contenu

Page:Vladimir Soloviev - La Russie et l Eglise Universelle, Stock, 1922.djvu/225

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ressemble à un chêne, ce qui n’empêche pas la papauté d’être le produit naturel, logique et légitime de la primauté de Pierre. Quant à cette primauté, elle est si bien marquée dans les livres historiques du Nouveau Testament qu’elle n’a jamais été contestée par aucun théologien de bonne foi, fût-il orthodoxe, rationaliste ou juif. Nous avons mentionné déjà l’éminent écrivain israélite Joseph Salvador comme témoin impartial de l’institution positive de l’Église par Jésus-Christ et du rôle prépondérant que Pierre reçut en partage dans cette institution[1]. Un écrivain non moins libre de tout

  1. Les auteurs protestants n’ont pas en général autant de bonne foi. Pourtant les meilleurs d’entre eux avouent le fait tout en faisant des efforts inutiles pour l’expliquer à leur façon. Voici, par exemple, les paroles de M. de Pressensé (Histoire des trois premiers siècles du Christianisme, 1re éd., t. l, p. 358, 359, 360) : « Pendant tous ces premiers temps l’apôtre Pierre exerça une influence prépondérante. On a vu dans le rôle qu’il joua alors une preuve de sa primauté. Mais, à y regarder de près, on reconnaît qu’il n’a fait que déployer ses dons naturels ( !) purifiés et agrandis par l’Esprit divin. » « Du reste le récit de saint Luc ne justifie en rien les idées hiérarchiques. Tout est naturel et spontané dans la conduite de saint Pierre. Il n’est pas président d’office d’une espèce de collège apostolique. » (M. de Pressensé confond évidemment l’accident d’une officialité plus ou moins prononcée avec la substance de la primauté). « Il n’agit qu’avec le conseil de ses frères » (il paraît que d’après les idées protestantes le conseil exclut l’autorité), « soit pour le choix d’un nouvel apôtre, soit à la Pentecôte, soit devant le peuple, soit devant le sanhédrin. Pierre avait été le plus humilié des premiers chrétiens, voilà pourquoi il fut le plus promptement élevé. » C’est avec de mauvaises plaisanteries de ce genre que le protestantisme veut éluder des textes formels de l’Écriture Sainte, après avoir proclamé cette Écriture comme source unique de la vérité religieuse.