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Page:Vladimir Soloviev - La Russie et l Eglise Universelle, Stock, 1922.djvu/337

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que la nature humaine de la Sainte Vierge, Mère de Dieu, il s’en suit que l’organisme de l’incarnation divino-humaine, ayant en Jésus-Christ un seul centre personnel actif, a aussi dans sa triple manifestation une seule et même base substantielle — la corporéité de la Sagesse divine en tant que cachée et révélée dans le monde inférieur : c’est l’âme du monde complètement convertie, purifiée et identifiée avec la Sagesse elle-même, comme la matière s’identifie avec la forme dans un seul être concret et vivant. Et la réalisation parfaite de cette substance divino-matérielle, de ce semen mulieris, — c’est l’humanité glorifiée et ressuscitée — le Temple, le Corps et l’Épouse de Dieu.

La vérité chrétienne, sous cet aspect définitif — l’incarnation totale et concrète de la Divinité — a particulièrement attiré l’âme religieuse du peuple russe, dès les premiers temps de sa conversion au christianisme. En dédiant ses plus anciens temples à sainte Sophie, la Sagesse substantielle de Dieu, il a donné à cette idée une expression nouvelle inconnue aux Grecs (qui identifiaient la Σοφία avec le Λόγος). — Tout en rattachant intimement la sainte Sophie à la Mère de Dieu et à Jésus-Christ, l’art religieux de nos ancêtres la distinguait nettement de l’une et de l’autre, en la représentant sous les traits d’un être divin particulier. C’était pour eux l’essence céleste recouverte par les apparences du monde inférieur, l’esprit lumineux de