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Page:Vladimir Soloviev - La Russie et l Eglise Universelle, Stock, 1922.djvu/341

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primé, il persiste comme un feu sous la cendre, comme une tendance dominante qui s’éveille à toute occasion. C’est en cette qualité que la puissance du chaos a passé à l’homme déchu et a créé ce qu’on appelle improprement l’humanité naturelle et ce qui est en effet l’humanité chaotique. Dans cette masse humaine nous distinguons clairement les trois traits fondamentaux de la nature extra-divine. Le fractionnement infini des parties matérielles dans l’espace se traduit, dans le genre humain, par la pluralité indéterminée et anarchique des individus coexistants ; à la disjonction infinie des moments dans le temps correspond, dans l’existence de l’humanité, la succession indéterminée des générations qui se disputent l’actualité et se supplantent à tour de rôle ; enfin le mécanisme matériel du monde physique passe à l’humanité sous la forme de l’hétéronomie ou de la fatalité qui soumet la volonté de l’homme à la force des choses, son être intérieur à l’influence dominante du milieu extérieur et des circonstances temporelles.

Nous savons cependant que la chute de l’Homme pouvait ajourner et non pas annuler sa vocation. Les entraves bienfaisantes de l’espace, du temps et de la causalité mécanique, tout en l’éloignant du but suprême, l’empêchaient en même temps de le manquer absolument et définitivement. La pluralité indéterminée des individus — une déchéance