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Page:Vladimir Soloviev - La Russie et l Eglise Universelle, Stock, 1922.djvu/347

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tradition religieuse et un idéal prophétique. Le passé, au lieu d’être supplanté sans pitié à la manière de ces sauvages qui tuent et mangent leurs vieux parents, est conservé avec piété filiale comme la base et la sanction permanente de l’actualité ; et l’avenir, au lieu d’être appréhendé comme une fatalité impitoyable ou sacrifié au feu de l’égoïsme comme les enfants brûlés dans la statue ardente de Moloch, est appelé et évoqué comme le vrai but et la vraie raison d’être du présent, sa joie et sa couronne. Ainsi, à la tête de chaque société humaine, nous voyons une trinité plus ou moins différenciée de classes dirigeantes — se rattachant en partie, mais ne s’identifiant jamais au triple rapport naturel des générations successives. Il y a en premier lieu les prêtres ou sacrificateurs correspondant aux pères, à la vieille génération ; et, en effet, à l’origine, dans la vie des tribus et des familles dispersées, les fonctions sacerdotales étaient remplies par les pères de la famille ; et le foyer domestique était le principal autel. Cependant, même dans cet état primitif, le père représentait plus que le fait particulier de la paternité naturelle : il se rattachait, par sa dignité sacerdotale, au fait absolu de la paternité divine, à ce passé éternel précédant et conditionnant toute existence. À la différence des animaux, dans la personne des pères humains, la génération matérielle était devenue une institution sociale et une puissance religieuse. Et si le père vivant était