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Page:Vladimir Soloviev - La Russie et l Eglise Universelle, Stock, 1922.djvu/346

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raître dans le néant et l’oubli. Chaque génération veut posséder toute l’actualité, mais, puisque chacune a le même droit à cette possession, aucune ne peut l’obtenir effectivement ; et toutes, après de vains efforts pour retenir le torrent de l’existence temporelle, y sont englouties à tour de rôle. Mais ce changement continuel de générations n’épuise pas toute l’existence humaine. Ce n’est que l’humanité animale, et il y a encore l’humanité sociale qui n’a jamais été bornée à l’actualité matérielle, qui ne s’est jamais contentée de poursuivre et de maintenir le fait réel de l’existence. La société humaine, aux degrés les plus inférieurs de son développement, a toujours doublé le fait d’un principe, la réalité d’une idée.

Le moment présent, l’actualité, pour une société humaine, n’est jamais ni une succession, purement mécanique dans le temps — un simple postea de son passé, — ni un antécédent purement mécanique et temporel, un simple antea de son avenir : cette actualité est toujours rattachée aux deux autres termes par un lien intérieur et spirituel qui fixe le passé et l’avenir et qui, s’il n’arrête pas le torrent de l’existence matérielle, le fait au moins rentrer dans un lit déterminé et transforme le mauvais infini du temps naturel en un système de développement historique. Dans toute société humaine — toute barbare qu’elle soit en dehors et au-dessus des intérêts matériels du moment — il y a une