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Page:Vladimir Soloviev - La Russie et l Eglise Universelle, Stock, 1922.djvu/353

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par une action morale correspondante de la part de la société elle-même. Pour s’organiser d’après l’idéal du bien, la société réelle, dominée par le mal, doit être sauvée et régénérée. Mais la méditation abstraite ne sauve pas. Tout en anticipant la vérité sociale, l’idéalisme platonique ne possédait pas la voie pour y parvenir et ne pouvait pas donner la vie à sa conception. C’est là la grande différence entre le prophétisme philosophique des Hellènes et le prophétisme religieux des Hébreux. Le nabi israélite à qui la vérité se révélait par un rapport personnel avec le Dieu vivant, le Dieu de l’histoire, anticipait l’avenir idéal, non pas par la pensée abstraite, mais par l’âme et par le cœur. Il frayait la voie, il éveillait la vie. Dans ses prophéties, il y avait, comme chez Platon, un idéal de la société parfaite ; mais cet idéal n’était jamais séparé de la condition intérieure qui déterminait sa réalisation — la réunion libre et active de l’humanité avec Dieu. Et les vrais nebiim savaient bien que cette union s’accomplit au moyen d’un processus divino-humain long et compliqué, par une série d’actions réciproques et de conjonctions entre Dieu et l’homme ; et ils le savaient, non seulement en principe général, mais ils savaient et proclamaient à chaque moment donné ce que l’humanité, dans son organe central provisoire, — la nation juive — devait faire pour coopérer efficacement au progrès de l’œuvre divino-humaine. Leur action était com-