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Page:Vladimir Soloviev - La Russie et l Eglise Universelle, Stock, 1922.djvu/357

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matérielle, conçut un dégoût invincible pour cette vie illusoire qui est plutôt mort que vie, puisqu’elle se dévore continuellement sans jamais pouvoir se fixer et se satisfaire.

Mais le dégoût de la fausse vie ne révélait pas encore la vraie. Et l’âme humaine, dans sa manifestation indienne, tout en affirmant avec une certitude parfaite et une force admirable que l’absolu ne se trouve pas dans la vie matérielle, qu’il n’est pas la nature et le monde, ne fut pas capable de savoir et de dire où il se trouve et ce qu’il est. Mais au lieu de reconnaître cette incapacité et d’en rechercher les causes, la Sagesse indienne affirma son impuissance comme le dernier mot de la vérité et proclama que l’Absolu se trouve dans le Néant, qu’il est la non-existence — Nirvâna.

L’Inde, dans ses sages, a servi un moment d’organe national à l’âme universelle de l’humanité quand elle a compris la vanité de l’existence naturelle et s’est dégagée des liens du désir aveugle. C’était, en effet, un acte universel de cette âme que la pensée et le sentiment qui s’emparèrent de Bouddha et de ses disciples quand ils affirmèrent que l’Absolu n’est pas quelque chose, qu’il n’est rien de ce qui existe dans la nature. L’âme de l’humanité devait passer par cette vérité négative avant de concevoir l’idée positive de l’Absolu. Mais la sagesse ou plutôt la folie orientale consiste à prendre une vérité relative et provisoire pour la vérité complète