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Page:Vladimir Soloviev - La Russie et l Eglise Universelle, Stock, 1922.djvu/392

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ment comme un fait accompli, elle tient surtout à la donnée primordiale de la révélation. À ce point de vue, l’incarnation du Christ, la réalité de l’Homme-Dieu (principe fondamental de la vraie religion) est avant tout un événement historique, un fait du passé se rattachant à l’actualité pour ainsi dire sub specie præteriti — par une série d’autres faits religieux qui se produisent régulièrement dans un ordre immuable établi dès l’origine une fois pour toutes (l’enseignement traditionnel reproduisant le depositum fidei, la succession apostolique transmise d’une manière uniforme, le baptême et les autres sacrements déterminés, par des formules invariables, etc.)[1]. Ce principe traditionnel, ce caractère immuable et absolument déterminé, est essentiel à l’Église (dans le sens strict) ; c’est son propre élément. Mais si elle s’y renferme exclusivement et, contente de son origine supérieure, ne veut savoir rien de plus, elle donne raison à l’absolutisme de l’État qui, voyant dans la religion une chose du passé, vénérable mais sans portée pratique, se croit en droit de prendre pour lui toute l’actualité vivante et de l’absorber toute entière dans la politique des intérêts temporels.

  1. La présence réelle du Christ dans la Sainte-Eucharistie est sans doute une actualité vivante, mais essentiellement mystique et, comme telle, ne détermine pas directement et manifestement l’existence pratique et sociale de l’humanité terrestre.