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Page:Vladimir Soloviev - La Russie et l Eglise Universelle, Stock, 1922.djvu/393

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« Je suis l’unité, dit l’Église ; j’embrasse toutes les nations comme une seule famille universelle. » — « Je le veux bien, répond l’État : que toutes les nations de la terre s’unissent dans l’ordre mystique et invisible, je ne m’oppose pas à la communion des saints, ni à l’unité des âmes chrétiennes dans une seule foi, une seule espérance et un seul amour. Quant à la vie réelle, il en est autrement. Ici la nation séparée et indépendante est tout ; son propre intérêt est le but suprême, sa force matérielle est le principe, et la guerre est le moyen. Ainsi les âmes chrétiennes divisées en armées ennemies n’ont qu’à s’entretuer sur la terre pour réaliser plus vite dans les cieux leur union mystique. » —

« Je représente la vérité immuable du passé absolu, » dit l’Église. « Parfaitement, répond l’État plus ou moins chrétien : je ne demande pour moi que le domaine relatif et mobile de la vie pratique. Je vénère l’archéologie sacrée, je m’incline devant le passé s’il veut l’être pour tout de bon. Je ne touche pas aux dogmes ni aux sacrements, pourvu qu’on ne se mêle pas des actualités profanes qui m’appartiennent sans partage : l’école, la science, l’éducation sociale, la politique intérieure et extérieure. Je suis la justice : suum cuique. Une institution divine n’a rien à voir à toutes ces choses purement humaines. À Dieu les cieux, — le temple au prêtre, — et tout le reste à César. »

Mais que donnera-t-on au Christ, qui est Homme